Les attentats de Paris du 13 novembre se sont ajoutés à ceux de Beyrouth la veille et à l’explosion d’un aéronef russe quelques jours plus tôt. Ailleurs dans le monde, chaque semaine voit son lot de victimes du terrorisme. La plupart de ces attentats sont commis par des groupes islamistes combattants. L’islamisme radical combattant, Al-Qaeda, Daech ou autre, constitue le nouveau totalitarisme. L’idéologie qu’il véhicule, son appel à la violence, la manière dont il bafoue toutes les règles de la moralité, y compris l’éthique de l’Islam, le rapproche en tous points des totalitarismes des années 30. Déjà, ces totalitarismes, qu’ils soient « de droite » ou « de gauche », usaient de la terreur pour imposer leur pouvoir. Ce nouveau totalitarisme lui aussi fonde son emprise sur la misère, le désespoir et l’incurie des dirigeants politiques en place. Comme tous les totalitarismes, il est insidieux, et dangereux. Il sait user de la propagande, comme naguère Goebbels et Cie, il sait cibler les symboles de la civilisation qu’il prétend détruire. Bien qu’il soit militairement faible, la menace qu’il fait peser sur nous n’en est pas moins grande.

La responsabilité des pays occidentaux dans l’émergence de ces groupes est attestée. L’incapacité de nos pays à intégrer plusieurs générations d’immigrants est incontestable. Nos politiques prédatrices sont bien entendu critiquables à tous points du vue. Mais ne confondons pas nos errements et ne mettons pas tout sur le même plan. Car nos idéaux restent ceux de la liberté et de l’équité alors que l’adversaire ne propose que l’obscurantisme et la terreur.

Il n’est pas facile de combattre la pieuvre totalitaire. Mais face à cet ennemi, il ne faut pas hésiter, ni tergiverser. Nous avons les moyens de le combattre et de le détruire : mais en avons-nous la volonté ? Comme dans les années 1930, l’usage de la violence nous répugne mais l’ennemi nous contraint à l’exercer. L’usage de la force est nécessaire quand la négociation est impossible. Mais ça n’est qu’un premier pas. Car l’enjeu, c’est d’abord, et surtout, d’intégrer toute une région de la planète au projet commun de l’humanité toute entière. Sans cela, ces pays comme la Syrie, La Libye et d’autres encore, qui sont en phase de décomposition, produiront davantage de violence encore et de nouveaux Daech émergeront qui voudront eux-aussi détruire la vie et la civilisation.

Il convient donc impérativement de revoir nos modes opératoires car il faut nous donner les moyens d’agir de concert, avec toutes les ressources que les uns et les autres peuvent fournir. Aujourd’hui, suite aux attentats, la voix de l’ONU est inaudible et seuls les gouvernants d’une poignée de pays – toujours les mêmes – se fait entendre. L’Union Européenne elle aussi est silencieuse. Certes, les forces militaires d’une petite coalition peuvent éradiquer Daech sur le terrain. Mais après ? Seront-elles à même d’assurer la paix ? D’évidence, elles ne le pourront, ni ne sauront comment la maintenir durablement. Pour cela, c’est la communauté internationale qui devra se mobiliser pour aider les institutions locales et la société civile à reconstruire l’Etat et la société, qui devra établir les institutions susceptibles de prévenir d’autres conflits. Mais l’organisation de la communauté internationale n’existe quasiment pas aujourd’hui. Or, il est grand temps de mobiliser les sociétés civiles et les réseaux citoyens, d’institutionnaliser les mécanismes d’une nouvelle gouvernance mondiale pour que cesse l’horreur et que, une fois encore, les forces de la liberté anéantissent le mal totalitaire.

Arnaud Blin, Co-directeur du FnGM/FDM, vient de publier Histoire du Terrorisme, de l’Antiquité à Daech aux Editions Fayard (avec G. Chaliand).