IMG_0484.JPG

Dans les espaces nouveaux de la ville, créés récemment, la toponymie s'est posée comme question. On constate que le choix est fait pour « pacifier » l’espace social de façon à nommer les rues de manière impersonnelle: des noms des fleurs, des oiseaux, etc. Dans le Jardin des poètes on peut attester cette impersonnalité. On va utiliser l'espace comme il est proposé et on va écouter les poètes. Dans son dernier texte « Frères Migrants » l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau publie la Déclaration des poètes qui peut être lu comme un cri pour la solidarité et l’hospitalité envers les migrants face à leur situation sur toutes les rives du monde.

«1 - Les poètes déclarent : Ni orpheline, ni sans effets, aucune douleur n’a de frontières !

2 - Les poètes déclarent que dans l’indéfini de l’univers se tient l’énigme de notre monde, que dans cette énigme se tient le mystère du vivant, que dans ce mystère palpite la poésie des hommes : pas un ne saurait se voir dépossédé de l’autre !

3 - Les poètes déclarent que l’accomplissement mutuel de l’univers, de la planète, du vivant et des hommes ne peut s’envisager que dans une horizontale plénitude du vivant — cette manière d’être au monde par laquelle l’humanité cesse d’être une menace pour elle-même. Et pour ce qui existe…

4 - Les poètes déclarent que par le règne de la puissance actuelle, sous le fer de cette gloire, ont surgi les défis qui menacent notre existence sur cette planète ; que, dès lors, tout ce qu’il existe de sensible de vivant ou d’humain en dessous de notre ciel a le droit, le devoir, de s’en écarter et de concourir d’une manière très humaine, ou d’une autre encore bien plus humaine, à sa disparition.

5 - Les poètes déclarent qu’aller-venir et dévirer de par les rives du monde sont un droit poétique, c’est-à-dire : une décence qui s’élève de tous les droits connus visant à protéger le plus précieux de nos humanités ; qu’aller-venir et dévirer sont un hommage offert à ceux vers qui l’on va, à ceux chez qui l’on passe, et que c’est une célébration de l’histoire humaine que d’honorer la terre entière de ses élans et de ses rêves. Chacun peut décider de vivre cette célébration. Chacun peut se voir un jour acculé à la vivre ou bien à la revivre. Et chacun, dans sa force d’agir, sa puissance d’exister, se doit d’en prendre le plus grand soin.

6 - Les poètes déclarent qu’en la matière des migrations individuelles ou collectives, trans-pays, trans-nations et trans-monde, aucune pénalisation ne saurait être infligée à quiconque, et pour quoi que ce soit, et qu’aucun délit de solidarité ne saurait décemment exister.»

Chamoiseau, Patrick (2017): Frères Migrants. Paris: Éditions du Seuil. P. 131 - 133. Source.

Claske partage l’observation que l'allée derrière le jardin des poètes s'appelle « Allée des Deux Mondes »: “On est heureuse d’opposer ici cette vue binaire avec les concepts, les idées et théories de Patrick Chamoiseau, qui s’inscrit dans la tradition d’Édouard Glissant et la pensée de la créolité et du tout-monde”.

Pour aller plus loin : Un dossier sur l’oeuvre de Patrick Chamoiseau de l’Institut de tout-monde, fondée par Édouard Glissant en 2006.

Entretien avec Patrick Chamoiseau,” La littérature comme relation”, France Culture.

Mediapart: “Frères migrants, les poètes déclarent…”.

Prochaine rue: Marie Reynoard >