4e Rencontres de géopolitique critique - Appel à propositions
Par Karine Gatelier le mardi, décembre 11 2018, 18:10 - Lien permanent
(Non)-Violence!
Du 4 au 16 mars 2019, dans l'agglomération grenobloise
Co-organisées avec PACTE
La question de la ré-émergence ou de l'exacerbation de la violence se pose plus en plus. Attentats terroristes en Europe, guerres interminables au Moyen Orient, en Afrique... « Violence partout, justice nulle part » titre une revue récente. Pourtant ces lectures privilégient l'analyse de la violence physique, directe, qui à notre sens ne couvre pas l'ensemble du spectre de la violence.
Pour leur 4e édition, les Rencontres de Géopolitique critique proposent de poser la question de la nature des violences à l’œuvre dans notre société, avec la question notamment, qui est violent? et de réfléchir aux modalités d'une action constructive dans ce contexte qui nous permettent de nous projeter vers un futur désirable.
Il s'agira de questionner la violence au sein des systèmes qui nous gouvernent : celui du néo-libéralisme dont la fonction est de créer des inégalités ; celui des dispositifs sécuritaires, qu'ils se fassent loi issue de l'état d'urgence, contrôle aux frontières ou intervention dans l'espace public : la progressive militarisation exacerbe la répression et fabrique des ennemis ; celui plus largement de l’État chaque fois qu'il domine, qu'il expulse, qu'il exclut du droit commun, qu'il victimise pour faire taire ; celui de la production du savoir quand elle parle à la place des dominés... Et d'autres formes de ces violences encore. Nous voulons rendre visibles ces violences qui sont invisibilisées par les logiques et les stratégies de pouvoir, dire ce que la violence fait aux gens, de manière concrète car ses effets, eux, sont tangibles.
La géopolitique critique propose des outils pour questionner les multiples manifestations de violence et notamment l’invisibilisation de la violence structurelle. Dans un monde où les rapports de pouvoir asymétriques opèrent une séparation épistémologique entre les centres de pouvoir et ses périphéries, il est très important de rappeler que les espaces de visibilité - tout ce qui est rendu visible à travers des médias, réseaux sociaux et discours politiques - sont construits et cachent des espaces d’invisibilité. L'invisibilisation de la violence structurelle, ou institutionnelle, s'explique notamment par le fait que la violence est généralement énoncée par le pouvoir et, de ce fait, attribuée à ceux qui en sont le plus éloignés. La représentation d'un « sujet violent » rend difficile à une personne identifiée comme telle de se défendre et de visibiliser la violence dont elle est la cible, autant qu'elle sert à délégitimer certains acteurs engagés pour sa dénonciation et dans leur auto-défense.
Visibiliser les violences est nécessaire pour rendre compréhensibles les évolutions récentes dans notre société ; nous outiller dans le but de les décrypter est indispensable pour agir. Comment agir au-delà du verbe ? Les modalités d'actions sont à ré-inventer dans le contexte violent actuel qui exacerbe les rapports de pouvoir et les asymétries. Entre non-violence et violence défensive, les stratégies divergent.
Résistance, occupation, solidarité avec les exclus flirtent avec la désobéissance et sont à la fois réprimées violemment et l'objet de condamnations judiciaires. Peut-on complètement maîtriser ses modes d'être visibles ou pas ? Un autre choix peut être celui de prendre de la distance, se retirer, développer des vies autonomes et chercher à changer le monde par fragments. Des expériences existent d'ouverture d'espaces d'indistinction, fondés sur la réciprocité de la non domination, où il n'est pas possible d'assigner une identité – je suis libre quand je ne suis pas sous le coup d'une domination et quand je ne domine pas – pour conduire des analyses communes des problèmes et penser des actions. La démocratie radicale peut inspirer pour organiser la confrontation, créer un rapport de force non violent, assumer le conflit comme espace constructif pour des transformations sociales. On a aussi besoin de temps et d'espace pour penser, se rencontrer et partager autour de la fête, « une démonstration de puissance sans arme » dont l'enjeu est de « dénoncer la cruauté du despotisme ...et affirmer l'humanité du peuple souverain à l’œuvre »9… Sous une diversité de formes, révélant la variété de choix stratégiques, nous voyons un intérêt à visibiliser les utopies réalisées, même éphémères.
Les Rencontres de Géopolitique critique cherchent à articuler des approches, des méthodes, des expériences et à susciter le contact et l'échange. Elles se dérouleront autour de Grenoble à partir du 11 mars 2019.
Nous faisons appel à tou.te.s celles et ceux qui voudraient contribuer sous une forme ou une autre à l’élaboration du contenu de ces Rencontres de Géopolitique critique. Nous souhaitons faire des rencontres un moment de partage et de réflexion à partir de nos engagements respectifs. Cela passe par les lieux que nous fréquentons, les risques que nous prenons, les méthodes que nous inventons, les réseaux que nous créons. Mais cela passe aussi par les postures que nous choisissons d’adopter les uns par rapport aux autres en prenant en compte les inégalités sociales qui jalonnent notre société et nos rencontres.
CONTACT : info@modop.org
Références bibliographiques indicatives:
Revue Monde commun, PUF, 01, Sept. 2018; Simon Springer, Pour une géographie anarchiste, Lux, 2018; Saskia Sassen, Expulsions, 2016; Françoise Vergès, Une initiation décoloniale, Mouvements n°72, 2012/4; Derek Gregory, The colonial present, 2004; Elsa Dorlin, Se défendre. Une philosophie de la violence, La Découverte, 2017; François Cusset, Le déchaînement du monde. Logique nouvelle de la violence, La Découverte, 2018; « L'itinéraire de la démocratie radicale », Raisons politiques 2009/3 (n° 35), p. 207-220; « Fragment de joie révolutionnaire », Sophie Wahnich, Vacarme 76, 2016/3