« RDC, un dialogue régional est-il possible entre Kinshasa et les rebelles occupants du M-23 ? » Interview de Cyril Musila par Thierry Garcin sur France Culture
Par admin le Lundi, septembre 9 2013, 16:45 - Actualités / Conflict update - Lien permanent
Ce lundi 9 septembre, Cyril Musila - chercheur associé à l’IFRI, enseignant dans plusieurs universités congolaises et partenaire privilégié de Modus Operandi – a répondu aux questions de Thierry Garcin sur la situation conflictuelle à l’Est de la RDC. Pour (ré)écouter son intervention : http://www.franceculture.fr/emission-les-enjeux-internationaux-0
Comment caractériser historiquement la situation actuelle ? Comment en est-on arrivé là ?
Pour comprendre le M-23 il est nécessaire de se situer dans le contexte global de la région des Grands-Lacs et de tenir compte des enjeux de l’Est du Congo liés aux problématiques qui se sont posées notamment au Rwanda, en Ouganda et dans une moindre mesure au Burundi. Le M-23 est issu d’une rébellion officiellement dissoute en 2009 - le CNDP (1) de Laurent Nkunda - qui, conformément à un accord de paix signé à Goma la même année, a intégré l’armée nationale congolaise en faisant la promesse de rester au Nord-Kivu. En 2012, le M-23 s’est désolidarisé de l’armée nationale pour deux principales raisons : - L’un des leaders du groupe - Bocso Ntaganda, qui avait été intégré à l’armée nationale et donc avait le statut de général de l’armée, basé à Kinshasa - était sous-mandat d’arrêt international et a été livré par le président Kabila à la CPI. Bocso Ntaganda s’est alors échappé pour aller se réfugier dans le Nord-Kivu, là où se trouvaient les anciennes milices du CNDP devenues membres de l’armée nationale en 2009. - Le chef de l’Etat a décidé, presque au même moment, que les différents régiments de l’armée nationale devaient permuter, or les membres du CNDP on refusé de quitter de Nord-Kivu pour aller rejoindre d’autres provinces.
Ces deux événements débouchent sur la mutinerie du M-23.
Le contexte régional : quel est le rôle du Rwanda et de l’Ouganda dans la déstabilisation de la RDC ?
Côté Rwanda, il existe une dynamique de déstabilisation quasi-permanente depuis les années 90. Officiellement, le Rwanda avance comme prétexte pour intervenir à l’Est du Congo, que s’y cachent d’anciens militaires de l’armée du président Habyarimana qui était à la tête du pays au moment du génocide rwandais. Cette raison politique est aussi stratégique pour pouvoir contrôler les territoires du Nord et du Sud Kivu où se trouvent des populations de culture rwandaise (et que le Rwanda instrumentalise politiquement). La déstabilisation permanente de cette zone à l’Est de la RDC, est donc la conséquence plus ou moins directe du génocide avec l’afflux de réfugiés et d’anciennes milices qui se sont installées dans les camps de réfugiés aux frontières entre le Congo et le Rwanda. Côté Ouganda également, une partie des rébellions qui ont fui le pays se trouvent à l’Est de la RDC : les ADF-NALU (une vieille rébellion presque ignorée mais qui est toujours présente dans le Nord-Kivu) et à l’heure actuelle, l’armée de la libération du Seigneur. Par ailleurs, en termes de géopolitique globale, les pays voisins de la RDC convoitent les ressources foncières et minières du pays, en plus des questions de sécurité qu’ils évoquent.
La logique des acteurs : que peut faire le pouvoir central de Kinshasa ? Le M-23 semble très affaibli… Et quel rôle joue l’ONU ?
Le M-23 a tenu la dragée haute à l’armée nationale depuis le début de la rébellion et ce jusqu’à tout récemment où il a commencé à subir des défaites importantes, essentiellement pour deux raisons : - L’armée congolaise a reçu des renforts de la MONUSCO et en particulier d’une Brigade d’intervention rapide internationale composée des pays d’Afrique australe (Tanzanie, Afrique du Sud et Malawi essentiellement). Cette brigade a beaucoup contribué à renforcer le camp gouvernemental. - Et ce renfort est intervenu au moment même où le Rwanda a subi une série de pressions : ° des accusations permanentes de la part des Nations Unies avec des preuves que le Rwanda nie toujours, comme quoi le Rwanda renforçait, apportait de l’aide en stratégie, en analyse, en image, en matériel mais aussi en hommes, au M-23. ° des pressions financières également, car à cette même période, beaucoup d’aides à la coopération avec le Rwanda ont été gelées (USA, Suède, Pays-Bas notamment). Les rapports de force changent donc depuis quelques semaines, le M-23 est affaibli et accepte plus facilement l’idée de désarmer, de dissoudre le groupe et donc de signer des accords de paix.
Quelle chance réserver à ces accords de paix ?
D’après Cyril Musila, étant donné que le M-23 a beaucoup plus joué le rôle de faire valoir ou d’acteur que le Rwanda a utilisé, il serait bien plus important que les accords de paix soient signés entre le Congo et le Rwanda d’abord.
(1) : CNDP : Congrès National pour la Défense du Peuple