Séminaire - René Girard et la pensée décoloniale #4
Par marion le mercredi, février 20 2019, 11:35 - Lien permanent
Avec Ali Babar Kenjah
Essai sur la violence antillaise
René Girard au prisme du discours antillais...
#4 Contre Girard
L’imprédictible tragédie du Tout-Monde d'E. Glissant
Vendredi 15 mars, Institut Fourier, salle du Conseil, 14h30-17h
Au moment où le maître, le colonisateur proclament «il n’y a jamais eu de peuple ici», le peuple qui manque est un devenir, il s’invente, dans les bidonvilles et les camps, ou bien dans les ghettos, dans de nouvelles conditions de lutte auxquelles un art nécessairement politique doit contribuer. L’auteur de cinéma se trouve devant un peuple doublement colonisé, du point de vue de la culture ; colonisé par des histoires venues d’ailleurs, mais aussi par ses propres mythes devenus des entités impersonnelles au service du colonisateur" '' Gilles Deleuze, L’Image-Temps, 1985
Edouard Glissant cite le travail de René Girard dans Le discours antillais… et en fait l’expression d’une opposition à sa propre posture. Glissant refuse qu’on condamne l’ensemble des cultures à l’incontournable d’une logique sacrificielle (loi de l’Un), universalité mise à mal par la créolisation antillaise… En fait, pour Glissant le tragique est source de joie… L’imprédictible et la théorie des catastrophes sont désormais notre dé-mesure quantique et, si ça se trouve, l’histoire s’écrit encore à la table des poètes... Pour le prouver, Glissant va répondre à la proposition de son complice, G. Deleuze, et inventer l’ultime utopie « d’un peuple qui manque » : ce sera la saga des Batoutos, un peuple africain inaperçu, car il a renoncé à posséder la terre, et s’est dédié à la quête d’Eléné, un écho sur Terre du Big Bang, qui répliquerait pour nous l’endroit où le Temps est né… Cette dernière séance du séminaire illustre les stratégies alternatives par lesquelles les peuples nés de la double conscience (cf WEB DuBois, The soul of black folk et Paul Gilroy, Black Atlantic), les communautés constituées à même la traite négrière, ont contourné les modalités universelles du système victimaire, en renonçant à la sacralité du héros déchu, le nèg mawon ; en renonçant également au mythe (écrit d’un pouvoir), au profit du conte (oral et populaire)…
Nous tenterons de faire converger des réflexions transversales au séminaire sur la violence légitime, la violence coloniale, les liens entre violence sociale et violence coloniale… Une hypothèse posera la violence coloniale comme 1) une tentative de rendre impossible le rapport mimétique par l’absolu de la différence raciale, et 2) l’échec de cette tentative par l’entêtement du colonisé à se fantasmer à la place du maître, jusqu’au passage à l’acte déicide de l’insurrection...
Ali Babar Kenjah