03 RUE DES ALLIÉS
Par Claske Dijkema le mercredi, mars 14 2018, 17:56 - Lien permanent
La Rue des Alliés nous donne l'occasion de revisiter l’histoire de la libération avec la recherche de J. Robert Lilly, professeur de criminologie aux États-Unis, qui a publié « La face cachée des GI’s ». Il s’intéresse aux viols commis par les soldats américains en France, en Angleterre et en Allemagne pendant la Deuxième Guerre Mondiale.
Le travail de Lilly commence par une tentative d’expliquer l'occurrence de la violence sexuelle en temps de guerre, suivi par des analyses spécialisées sur les trois pays et de la persécution de ces crimes. Il estime qu’uniquement 5% des cas de viol ont été poursuivis par la justice mais que parmi ces crimes de violence sexuelle persécutés, il s’agissait pour 85% de soldates noirs, même s'ils représentaient une minorité dans les forces américaines et qu’ils ont été reconnu coupables et pendu. Ces chiffres pointent alors un traitement raciste de la justice.
Le point ici n’est pas de douter de la culpabilité des soldats noirs et de nier les agressions faites contre les femmes européennes, mais de tirer l’attention aux sentiments de racisme et au racisme systémique de cette époque. Le point n’est pas non plus de « salir l’histoire de nos sauveurs », comme quelqu’un l’a remarqué pendant la balade, ni de nier les histoires romantiques entre femmes européennes et soldats américains.
Ce qui nous intéresse dans l'approche décoloniale, c’est qu’elle permet de rompre avec l’idée que le fait colonial concerne que les territoires lointains et une période qui prend fin en 1962 avec la fin de la guerre d’Algérie. Même si pendant la décolonisation des années ’60 un retrait est fait de la présence français dans une grande partie de ses territoires outre-mer, cette histoire n’est pas finie. Elle continue dans la façon que les Etats colonisateurs continuent à exercer une domination particulière sur la population racisée en métropole. À travers cet épisode des viols et de l'accusation des noirs d'être majoritairement des auteurs de ces viols, on voit bien comment s'est formée cette transformation du pouvoir, qui a conduit d'une part de masquer l'histoire et d'autre part d’accuser une minorité.
Références:
Ouvrage Robert J. Lilly, La face cachée des GI’s. Les viols commis par des soldats américains en France, en Angleterre et en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, Paris, Payot, 2003, 371 pp.
Documentaire GI’s, la face cachée des Libérateurs. Réalisateur : Patrick Cabouat. 2006.