Quelles continuités de l’imaginaire colonial après 1960 ?
Par Claske Dijkema le vendredi, mai 18 2018, 21:08 - Lien permanent
A l'Université populaire, nous continuons nos pérégrinations dans l’histoire coloniale de la France pour mieux comprendre le présent, comprendre les origines du racisme et des inégalités, permettre à chacun de faire un travail sur notre héritage à travers lequel nous regardons l’autre comme une richesse ou comme un problème. La construction sociale du racisme puiserait-elle son origine dans un passé colonial et dans la façon dont les catégories majoritaires imposent leur grille de lecture à l’ensemble de la société, produisant ainsi un racisme systémique ? Des discours politiques et des postures publiques conduisent à un traitement particulier, exercé par des représentants de l’État sur certaines catégories d’individus, comme les contrôles au faciès. Le 8 décembre dernier Nasima Moujoud nous montrait comment cette logique construit des politiques publiques et affecte directement la vie des gens, plus particulièrement celle des femmes. Cette séance nous permet de faire une introspection sur le regard que l'on porte sur l'autre le migrant, le noir, l'arabe le musulman , la femme etc... et surtout sur le référentiel qui crée ces catégories à travers l'histoire encore prégnante aujourd'hui et qu'il nous faut dépasser pour mieux avancer tous ensemble.
Le cœur des propos de Nasima Moujoud portait sur la rhétorique faisant du sexisme l’apanage des quartiers populaires ou des populations descendantes des sociétés ex-colonisées, surtout celles qui sont majoritairement musulmanes, s’impose en France depuis notamment le début des années 2000. Elle est parfois interprétée sous le prisme de l’actualité immédiate. Or, elle a une longue histoire qui isole des objets identiques. Le préjugé de statut inférieur des femmes indigènes était en effet fortement utilisé par les colons comme dans le savoir colonial pour légitimer la domination et dénigrer les sociétés colonisées, comme le montre, entre autres, Franz Fanon dans l’An V de la révolution algérienne (1959). Avant de voir de quelle manière le contexte français des années 2000 réactualise cette rhétorique, ainsi que certains de ses principaux objets, j’évoque brièvement la migration postcoloniale comme « fille de la colonisation » ainsi que le passage idéologique du racisme de couleur, ou racisme colonial, au racisme culturel qui, comme à l’époque coloniale, utilise les femmes à des fins de domination. Je montrerai enfin que le processus de mise en avant des droits des « autres » femmes n’a jamais signifié la mise en place de politiques favorables à leur égard.
L'intégralité de son intervention et les réponses du public sont à retrouver dans le cahier n° 5 du cycle "Pour (se) comprendre", qui porte sur la question "Que reste-t-il du passé colonial", organisé par l'Université populaire de la Villeneuve dont Modus Operandi est partie prenante. Cahier_numero_5.pdf